Les peintres Théodore Rousseau (1812-1867) et Jean-François Millet (1814-1875) à Munster en 1867 et 1868
Si Millet est aujourd’hui mondialement connu, il n’en fut pas de même de son vivant. Installé pauvrement à Barbizon (en lisière de la forêt de Fontainebleau) à partir de 1849, père de neuf enfants, c’est, entre 1850 et 1870, un peintre peu apprécié.
A quelques maisons de Millet habitait Théodore Rousseau, remarquable paysagiste de l’Ecole de Barbizon, que les jurys écartèrent des salons pendant 20 ans. C’est avec cet éternel refusé » que se lia d’abord Frédéric-Félix Hartmann, avant de rencontrer Millet.
Vers 1845-1850, pendant ses études d’avocat à Paris, Frédéric-Félix Hartmann (1822-1880) fit la connaissance de Rousseau par l’intermédiaire du peintre vosgien, intime de Rousseau, Louis Français (Plombières 1814-1897). Frédéric Hartmann fin connaisseur et amateur d’art averti invita Rousseau à Munster en 1863. Celui-ci ne put faire le voyage mais se rendit à Munster plus tard en 1867. Quelques mois avant sa mort il alla, en effet, y passer plusieurs jours, mais en l’absence de Frédéric Hartmann. En décembre 1867, Rousseau meurt à Barbizon, laissant inachevées plusieurs toiles commandées et déjà payées par Hartmann.
En janvier 1868, l’industriel de Munster s’adresse à Jean-François Millet pour lui achever ces toiles. Lui rendant visite à Barbizon, il est conquis pas sa peinture. Un accord intervient rapidement pour une commande de 4 toiles, de taille moyenne. Ces toiles ne seront terminées qu’en 1873, sauf « L’Hiver », qui restera inachevée. Les trois toiles peintes par Millet, « Printemps », « Eté » et « Automne », décorèrent, à partir de1874, la salle à manger des Hartmann, au Schlosswald.
En septembre 1868, malgré sa répugnance pour les voyages, Millet répondit à l’invitation de Hartmann et se rendit à Munster avec son ami Alfred Sensier. Ils n’y restèrent que quelques jours, continuant ensuite leur voyage en Suisse.
Les détails du séjour de Millet à Munster restent à préciser mais on sait cependant qu’au cours d’une excursion avec le peintre alsacien Alexis Kreyder (1839-1912), il fut frappé par un groupe de beaux chênes sur la route de Metzeral-Mittlach. Il en fit un croquis, de sorte que, par la suite, la Municipalité de Metzeral y fit appliquer une plaque portant l’inscription « Chêne-Millet ».
Millet a-t-il peint un tableau d’après le croquis relevé à Munster, comme on l’a supposé ? Rien ne permet de l’affirmer. L’hypothèse la plus plausible concernant la présence en 1950, d’une grande toile signée Millet dans la propriété du Kleebach, est qu’il s’agit d’une peinture du fils de Millet, François Millet (1851-1917), à qui Hartmann commanda au moins deux peintures. A l’exposition artistique de Munster de 1932 furent d’ailleurs exposées quatre toiles de ce fils de Millet : « Approche de l’Orage à Ludenbuhl », « Mittlach », « La ferme du Solberg » et « Atelier de Peinture ».
Le 7 mai 1881, à l’hôtel Drouot, la vente après décès d’une partie de la collection Frédéric Hartmann comprenait 21 pièces d’une valeur exceptionnelle :
– 2 toiles d’Eugène Delacroix,
– 6 toiles et 4 dessins de Théodore Rousseau
– 8 toiles et un pastel de J. F. Millet
Dans cette vente figurait en particulier le célèbre « Printemps » racheté par Mme Julie Aimée Hartmann (1826-1907), l’épouse de Frédéric Hartmann, qui en fit don au Louvre en 1887.